Comment les pays multilingues s’adressent à leurs minorités linguistiques ?

Le chiffre est difficile à évaluer, mais l’on dénombrerait quelque 7 000 langues dans le monde. Rapportons maintenant ce chiffre à celui des 195 États souverains recensés dans le monde. Qu’obtient-on ? Le constat qu’un très grand nombre de pays sont des pays multilingues et qu’un très grand nombre des langues pratiquées dans le monde sont, à l’échelle d’un pays, des langues minoritaires.

 

Quelle place alors pour les minorités linguistiques ? Comment existe, au Pérou, le quechua face à l’espagnol ? Aux États-Unis, ce même espagnol face à l’anglais ? En Afrique du Sud, le xhosa ou le zoulou face à l’afrikaans et à l’anglais ? Quid du rapport anglais-gaélique en Irlande ? Français-flamand en Belgique ? Comment les États peuvent-ils concilier les enjeux d’administration publique, mais aussi de cohésion à l’échelle nationale avec le droit de s’exprimer en tant que citoyen ou citoyenne dans sa langue natale, sa langue de choix ? Vous vous en doutez… c’est compliqué.

 

Les réalités propres aux divers pays multilingues et les réponses adoptées couvrent dans les faits un vaste spectre d’approches pouvant aller d’un objectif d’effacement (sinon de liquidation) des minorités linguistiques à l’octroi d’un statut de langue officielle équivalent à celui de la langue dominante. Si ces réalités échappent souvent à une typologie précise, nos amis Québécois, comme toujours champions toutes catégories des travaux linguistiques, nous en offrent un aperçu intéressant. Petit tour d’horizon.

 

Les politiques assimilationnistes – Des minorités linguistiques sous pression

À une extrémité de notre spectre, nous retrouverions donc les politiques dites d’assimilation linguistique. Leur objectif ? Sommairement résumé, effacer les langues minoritaires au profit de la langue dominante, notamment en vue de renforcer la cohésion autour de l’État central. Sans grande surprise, elles sont aujourd’hui largement condamnées en raison de leur caractère autoritaire, ainsi que du peu de respect qu’elles présentent vis-à-vis des minorités linguistiques et, plus généralement, des identités culturelles portées par ces langues minoritaires.

 

Cependant, si une telle approche choque par son caractère autoritaire, elle a néanmoins joué un rôle important dans l’histoire linguistique de nombreux pays, parmi lesquels… la France. Notre vieil hexagone s’est ainsi attelé dès la Révolution, mais plus particulièrement sous la IIIe République (avec en fer de lance notre bon Jules Ferry), à une entreprise de généralisation du français sur l’ensemble du territoire, au détriment de langues locales comme le breton, le corse, l’occitan ou encore le provençal. Si, rétrospectivement, une telle approche a pu être vectrice de cohésion nationale, elle alimente fort logiquement l’animosité des minorités linguistiques visées.

 

Quand le bilinguisme se ménage quelques espaces

Restons donc un peu sur le cas français, mais déplaçons-nous un peu plus loin sur la frise chronologique nationale et sur notre spectre des politiques linguistiques. La France a désormais adopté un autre modèle afin de défendre et de promouvoir davantage ses langues régionales (quoique de façon encore limitée). Elle a ainsi mis en place certaines dispositions législatives, suivant une approche qualifiée de sectorielle. Ainsi, si le français reste l’unique langue des institutions et du droit, vos enfants peuvent, dans certaines régions, suivre un enseignement bilingue, mêlant français et langue régionale. Vous pourrez vous-même (en Bretagne, en Alsace ou ailleurs) observer des panneaux de signalisation bilingues, ou avoir accès à des chaînes de télévision publiques faisant une place au bilinguisme. Cette approche sectorielle, qui ouvre la porte à des droits linguistiques un peu plus importants, mais dans des domaines relativement restreints, et parfois de façon non véritablement formalisée, se retrouvera, sous différentes formes, dans des pays comme le Portugal, l’Argentine ou encore le Mali.

 

Un statut pour les minorités linguistiques, mais le maintien d’une hiérarchie

Dans le même ordre d’idée, certains pays vont un peu plus loin en traitant la question par la mise en place de statuts particuliers. Ces derniers reconnaissent juridiquement et officiellement les droits des minorités linguistiques à parler leur langue et accéder à une communication dans leur langue dans des secteurs clés tels que les services publics, la justice, l’enseignement ou encore les médias. Ce type de configuration, qu’on retrouve par exemple au Pays de Galles ou au Paraguay, offre aux minorités linguistiques, en plus d’une reconnaissance officielle, une forme de protection de leur différence culturelle. Pour autant, elle marque encore clairement une hiérarchie entre une langue dominante et une langue minoritaire. Avançons encore un peu…

 

Les multilinguismes officiels – Mettre les langues sur un pied d’égalité

Nous entrons ici dans le domaine du multilinguisme officiel : lorsque la Constitution ou la législation d’un pays multilingue reconnaît une égalité juridique entre deux langues ou plus, indépendamment du fait que ces langues puissent être minoritaires au sein de la population. Au sein de ces pays, comme l’Afrique du Sud ou la Nouvelle-Zélande, toute personne a donc le droit de choisir la langue qu’elle souhaite utiliser dans l’exercice de sa citoyenneté, et l’État l’obligation de garantir le plein exercice de ce droit, en proposant notamment un double affichage, des communications officielles dans les deux ou trois langues, que ce soit à l’écrit ou dans ses services publics, etc. Il est intéressant de noter qu’un tel système peut aussi s’inscrire dans le cadre de limites territoriales. L’Espagne nous en donne un bon exemple au travers des cas de la Catalogne, de la Galice, de la Navarre, du Pays basque et du pays valencien, dont les langues régionales respectives ont toutes un statut officiel, mais uniquement à l’échelle de leur communauté autonome.

 

Conclusion

Ce petit tour d’horizon des approches observées dans les différents pays multilingues est donc assez révélateur de la complexité des relations entre les différentes langues qui cohabitent au sein d’un même pays. L’histoire, la taille et l’ancrage territorial des différentes communautés linguistiques, mais aussi des notions de statut social, sont autant de différenciateurs qui contribuent à façonner un paysage dont la variété se plie parfois difficilement à l’établissement d’une typologie cohérente. Comme souvent en matière de langue, tout est question de contexte !

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