Il est bien loin le temps où l’exercice de traduction consistait prosaïquement à transcrire un texte dactylographié dans une autre langue. Progressivement, depuis 30 ans, le monde de la traduction est devenu un univers hautement technologique. Aujourd’hui, les technologies sont présentes à toutes les étapes d’une traduction. Voici en résumé comment et pourquoi.
Petit voyage dans le temps au pays des traducteurs
Le premier besoin identifié a bien sûr concerné les « banques terminologiques », que l’on appelle aujourd’hui communément bases de données terminologiques, glossaires ou lexiques. Très tôt, dès les années 90, avec l’avènement de la mondialisation des échanges, les volumes de traduction ont augmenté exponentiellement et les traducteurs ont alors ressenti la nécessité de bâtir des référentiels de termes avec leur(s) traduction(s). L’enjeu était de fixer la terminologie d’un domaine et de la rendre officielle. Aujourd’hui, ces bases de données, arrivées à maturité, se sont complexifiées, en s’enrichissant de multiples métadonnées (genre et déclinaison selon les langues, variations sémantiques, contextes d’utilisation…). Ces bases évoluent sous l’égide d’organismes très différents : au niveau d’un pays (par exemple, Termium pour le Canada), d’une organisation (IATE pour la Communauté européenne), d’un secteur d’activité ou même d’une entreprise. Elles sont désormais indissociables du travail du traducteur.
Des possibilités grandissantes
Avec l’arrivée de la bureautique dans les années 90, largement diffusée par l’avènement de la micro-informatique, les manipulations de texte (recherche, remplacement, indexation, macro-commande…) ont considérablement fait évoluer les possibilités des rédacteurs et des traducteurs. À la suite de cette première révolution technologique, les clients, notamment les leaders du monde informatique, n’ont plus compris pourquoi ils devraient payer des phrases déjà traduites. C’est donc à cette époque qu’apparaissent les premiers logiciels destinés aux professionnels de la traduction leur permettant de recycler du contenu existant : ce sont les « CAT tools » (Computer-Aided Translation) ou TAO (Traduction Assistée par Ordinateur). Très rapidement, ces outils s’affinent et sont capables d’apporter des traitements plus sophistiqués. Aujourd’hui, les sociétés de traduction ont le choix entre des dizaines de systèmes, dont ceux de dernière génération opérant sur le cloud. Plus aucun traducteur professionnel ne travaille sans l’aide de l’un de ces outils. Par exemple, on peut maintenant attacher une ou plusieurs bases terminologiques aux documents à traduire afin de « remonter » les termes validés y figurant, charge aux traducteurs de les retenir ou pas, s’ils ne conviennent pas au contexte.
Au service de la qualité
Dans la foulée se sont développés des outils de vérification, d’Assurance Qualité. Outre les correcteurs d’orthographe et de grammaire, qui sont aussi disponibles dans les traitements de texte, ces outils vérifient des éléments tels que la cohérence terminologique (à partir d’une base de données de référence), l’intégrité des données numériques, des dates… Ils sont aujourd’hui intégrés aux outils de TAO.
Avec l’accroissement des volumes à traduire et l’accélération des mises sur le marché, le rythme de production des traductions s’est accentué (à l’image de toute notre société). Le processus de traduction s’est complexifié et concentré. Il n’était plus possible de dédier un seul traducteur pour traduire un contenu, il a fallu mobiliser plusieurs traducteurs simultanément. En conséquence, il est devenu inévitable de faire vérifier et corriger la traduction par un éditeur (ou validateur). Une relecture finale du texte cible s’est imposée pour parfaire les traductions de qualité. Enfin, les documents à visée marketing ou commerciale, publiés dans des logiciels tels que InDesign, doivent être vérifiés parce que le foisonnement* lié au passage d’une langue à une autre chamboule la mise en page.
Bien comprendre le fonctionnement pour mener des projets gagnant-gagnant
La majorité des clients ne suivait pas cette évolution très éloignée de leur cœur de métier. Il a donc fallu faire comprendre que les processus et outils métiers permettaient des choses extraordinaires certes, mais réclamaient également une préparation plus avisée de leurs documents sources.
Car la traduction est devenue un processus de plus en plus complexe impliquant une succession d’étapes qui parfois se chevauchent pour répondre aux contraintes ultimes que sont la date de livraison et la qualité optimale.
L’extrême complexité de cet univers a finalement conduit à la mise au point de TMS (Translation Management System). Il s’agit d’outils permettant de gérer un flux de traduction de bout en bout, en suivant des processus, facilitant l’accès aux traducteurs, aux différentes opérations et à un back-office efficace.
D’où vient cette complexité ? Il faut savoir que les formats de fichier sont multiples, les intervenants nombreux, leurs implantations géographiques diverses, les sensibilités culturelles variées, et l’interopérabilité des outils encore imparfaite. Bien comprendre ces différents enjeux permet d’assurer un démarrage de projet dans les meilleures conditions.
Concernant les fichiers, le client doit vérifier que les sources fournies à l’équipe de traduction sont parfaitement exploitables. Des allers-retours inutiles pourraient impacter le bon déroulement du projet. Des formats classiques Word, Excel, PDF, aux plus délicats à manier tels que InDesign, Illustrator ou plus spécifiques encore, il faut veiller à bien maîtriser ses fichiers sources. Par exemple, contrôler en amont qu’un PDF soit bien éditable ou qu’un fichier InDesign soit accompagné de ses liens internes (polices de caractères, images…) est nécessaire. Les étapes du projet de traduction en seront ainsi plus fluides. Sans cette connaissance du fonctionnement, il est parfois facile de penser que n’importe quel fichier fait l’affaire. Et même si nous pouvons faire beaucoup, la magie a ses limites !
La révolution induite par l’intelligence artificielle
Dernière arrivée dans ce panel de technologies, et non des moindres : la traduction automatique (Machine Translation) ! Il s’agit d’une vieille histoire puisque les premières tentatives remontent aux années 70.
La traduction a été très tôt identifiée, tout comme les jeux de stratégie (jeux d’échecs, jeu de Go…), comme un terrain de test de prédilection pour développer l’intelligence artificielle, dernier avatar de la Machine Translation. En effet, la complexité des langues est particulièrement adaptée à tester les algorithmes dédiés à l’apprentissage des problèmes complexes et à déduire des opérations humaines des stratégies de plus en plus efficaces. Intéressant, non ?
Aujourd’hui, la traduction automatique brute est utilisée pour des traductions dites « pour information ». Elle trouve aussi de plus en plus sa place dans les processus de traduction, en fournissant au traducteur un « premier jet » qui ne peut en aucun cas être livré tel quel, mais qui constitue une bonne base et permet là encore de réduire les temps de production.
Certains font le choix de se passer des services de traducteurs professionnels et n’utilisent qu’elle, sans la soumettre à un linguiste. Force est de constater qu’ils revoient leur choix lorsque l’enjeu est stratégique, et c’est finalement souvent le cas. L’expertise et la vigilance humaines restent encore les garantes ultimes de la qualité.
L’audiovisuel gagne aussi en outils performants
Évoquons en dernier lieu toutes les technologies, qui permettent par exemple le sous-titrage simplifié ou l’enregistrement vidéo (doublage) aisé.
Que les sous-titres soient descriptifs ou qu’ils viennent se superposer à la parole d’une personne visible à l’écran, la longueur du texte traduit doit être adaptée à une durée précise. Les outils doivent par conséquent gérer des « TC’s » (time-codes), des codes temporels encadrant le début et la fin d’un texte pour qu’il soit synchrone avec l’image. Si, pour des traductions de sous-titrages sans trop de contraintes, leur gestion est intégrée dans certains outils de TAO modernes, il existe aujourd’hui différents outils spécifiques et complexes, permettant la traduction et la visualisation des sous-titres directement à l’écran. En effet, il faut pouvoir s’assurer que le texte traduit peut être lu dans l’intervalle de temps prédéfini. Cela se fait au moyen d’un format de fichiers spécifique, dit « SRT ». Là aussi, on constate que la technologie a considérablement gagné du terrain, réclamant des compétences accrues de la part des entreprises de traduction comme, à moindre échelle, de celle de leurs clients.
Dans l’univers de la traduction de 2020, les différentes technologies se combinent pour permettre aux sociétés de traduction les plus performantes de répondre présentes auprès de leurs clients, pour relever les défis multiples : des traductions de qualité, des délais compressés, des budgets serrés, des volumes exponentiels, des formats spéciaux…
Comme nous l’avons vu, la traduction fait appel à une grande variété de compétences. Multiplicité des combinaisons de langues, gestion de projets hautement réactive, qualification et suivi des ressources permanent, et ingénierie informatique concourent chacune à un écosystème méconnu et souvent simplifié à tort.
Nous espérons que cet article vous aura éclairé sur le sujet !
* Foisonnement : voir notre article ici