A l’occasion d’une relecture d’un texte universitaire, nous avons découvert un mot qui a attiré notre attention. « Cuisse de nymphe émue ».
Cuisse de nymphe émue ? Nous avons d’abord cru à une blague, puis à une erreur : ce nom, sorti tout droit d’un poème galant du XIXème siècle, ne pouvait pas, sérieusement, être le nom d’une couleur. Quelques recherches plus tard, et après en avoir vu… de toutes les couleurs, nous avons changé d’avis. Si vous êtes curieux de nos découvertes lexicales, lisez la suite…
Cuisse de nymphe émue
À l’origine, il s’agit d’une rose importée de Crimée au XVIème siècle et baptisée initialement tout simplement « rosier blanc royal ». Ce sont nos pudiques amis anglo-saxons, d’humeur poètes, qui l’ont baptisée autrement : « great maiden’s blush », soit littéralement « grand rougissement de demoiselle ». Ce que nous Français, tout autant poètes, mais bien moins pudiques dans notre approche, n’avons pas hésité à transposer en « cuisse de nymphe ». Ah, notre réputation ne saurait donc mentir… « Cuisse de nymphe » est donc le nom officiel d’une couleur et, en toute logique, la teinte légèrement plus foncée a été baptisée « cuisse de nymphe émue »… qui à son tour a été transposée par nos amis d’Outre-Manche en « hot pink », notre appellation leur faisant monter sans aucun doute le rose aux joues. Le « rose chaud », synonyme en français de « cuisse de nymphe émue », est donc un anglicisme en plus d’être une couleur qui n’existe que sur le Web ! Trop « 2.0 », le rose cuisse de nymphe.
Le rose…
Plus nous avons approfondi nos recherches sur le rose, plus nous avons découvert que cette couleur, qui pour les néophytes n’a souvent pour corollaire que « barbie », « post-it » ou « vieux », est en fait une couleur très subtile, dont les différentes nuances ont des noms « hauts en couleur »… Les différences entre les noms de couleur en anglais et en français sont également intéressantes, et nous souhaitons les partager avec nos amis linguistes pour qu’ils ne se trompent pas lorsqu’ils sont amenés à traduire le nom d’une couleur. En effet, l’anglais reprend certaines images qui nous sont familières en parlant de couleur bubble gum, flamingo pink, candy pink ou baby pink (que nous traduirions par « rose layette » mais qui n’est pas le nom officiel d’une couleur). Mais les Anglo-Saxons ne s’arrêtent pas là et vont jusqu’à émettre des jugements de valeur, n’hésitant pas à parler de charm pink, shocking pink (coup de pub’ d’une créatrice) ou encore rose razzle-dazzle (que nous pourrions traduire par « rose tape-à-l’œil »). L’origine géographique du rose reste également incertain, puisque l’anglais parle de China Pink et de China Rose – deux couleurs différentes, attention – mais également de French Fuchsia et de French Rose… Là où les Français préfèrent parler de rose Persan et de rose Balais – non, ce n’est pas un rose « ménager », mais un rose de la couleur du rubis éponyme et qui, venant de l’arabe, désigne la région de Balakhchân…
Symbolique
« Le rose est une couleur ambiguë, sous rouge pour les physiciens qui le considèrent comme un rouge désaturé, « bâtard du rouge triomphant » selon Jean Ray, couleur fragile et éphémère, placée dès Homère dans la subjectivité et la poésie. », c’est ainsi que commence l’article Wikipédia consacré au rose. Fragile, éphémère, ambiguë… au vu de cette définition, ne disons donc plus jamais que le rose est pour les filles ! Le rose est surtout associé au féminin pendant la deuxième moitié du XXème siècle. Alors que, par exemple, c’était la couleur de la virilité au Moyen-Âge ! Il existe même un rose « Mountbatten », du nom de Louis Mountbatten, qui affirma, pendant la Seconde Guerre mondiale, que cette teinte particulière, entre gris et rose, était idéale pour le camouflage des navires de la Royal Navy…