Amélie a été l’une des premières post-éditrices chez Version internationale et a largement contribué à la mise en place des processus linguistiques liés à cette nouvelle méthode de travail autour de la traduction automatique. A l’occasion de la tenue du webinar de TAUS auquel elle a contribué (Post-editing as an emerging profession within the translation industry, le 18 Juin ), elle nous fait partager son expérience.
De quand date ta première post-édition ?
Cela doit faire un peu plus de trois ans, je crois. Un jour, on m’a assigné un travail de post-édition alors que je n’en avais jamais fait. Il s’agissait de traduire un programme de formation interne pour sensibiliser contre la corruption : des dizaines de diapos expliquant par exemple aux salariés que donner des goodies de marque en échange de services commerciaux était répréhensible.
Et c’était comment ?
Je me souviens que les résultats du moteur de traduction étaient à l’époque vraiment mauvais et que ça n’a pas été facile. Sur un autre projet – il s’agissait d’un catalogue qui contenait beaucoup de termes uniques et peu de phrases- il restait de nombreuses phrases en anglais qui n’avaient pas été traduites par le moteur – ce qui aujourd’hui ne se produit presque plus – et qu’il a fallut traduire directement en plus de la post-édition. J’étais tellement concentrée sur le fond (traduire le sens, la terminologie, la structure des phrases) que lors de la phase de relecture, ma collègue a repéré de grosses fautes d’accord que je ne pensais pas être capable de commettre !
A l’époque, comment as-tu abordé cette nouvelle méthodologie ?
Dire que j’étais hyper enthousiaste serait mentir ! Je n’étais pas très sereine, et l’excitation d’être une « pionnière » était, dans la pratique, plutôt remplacée par l’angoisse de ne pas arriver à rendre toutes mes post-éditions dans les délais ! Avec du recul je pense que les premières post-éditions que j’ai rendues n’étaient pas extraordinaires, mais cela prouve qu’on peut vraiment progresser ! Et puis les moteurs de traduction se sont également tellement améliorés que la post-édition d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec celle d’autrefois.
Ton pire souvenir de post-édition ?
C’était un manuel technique pour une machine-outil très spécifique, dans l’industrie du bûcheronnage. Traduction italien-français, qui plus est, et le texte était rempli de termes en anglais. Le moteur de traduction était vraiment mauvais et il a fallut tout reprendre et faire beaucoup de recherches complémentaires pour s’assurer que la terminologie était correcte. Un vrai cauchemar…
Aujourd’hui, que penses-tu de la post-édition ?
Je pense qu’il faut voir les choses comme elles sont : la post-édition permet de travailler plus vite, de traiter de plus gros volumes dans le même temps. C’est un enjeu financier à tous les niveaux.
Et dans la pratique ?
Au niveau pratique, je suis devenue plus expérimentée, c’est plus confortable. Je sais quelles erreurs je dois m’attendre à trouver, quels sont les éléments auxquels je dois prêter attention. Par exemple, je sais que le souci principal avec le français c’est le genre des mots, et qu’il faut être plus vigilant qu’avec une traduction humaine. Pareil pour l’accord des participes passés par exemple.
En tant qu’éditrice, tu préfères-tu éditer ou post-éditer ?
Paradoxalement, comme la post-édition c’est éditer un texte produit par une machine plutôt que par une personne vivante, cela me permet de faire un peu plus de traduction au sein d’une édition. J’ai plus la main-mise sur le projet, que je traite de manière globale. Toutes proportions gardées, c’est un peu plus créatif que l’édition pure.
Qu’est-ce qui est le plus compliqué en post-édition ?
Ce n’est pas véritablement « compliqué », mais ce qui peut être fastidieux c’est de corriger des petites fautes anodines, répétées un nombre incalculable de fois. Problèmes sur les balises, sur les espaces devant un signe double par exemple, sur les apostrophes, … D’où l’importance cruciale des remontées sur la Machine Translation pour améliorer les moteurs lorsque cela est possible.
Et qu’est-ce qui est le plus simple ?
Travailler tout seul… 🙂 Il y a moins d’interaction avec d’autres traducteurs, ce qui finalement simplifie les choses.
Une histoire drôle en particulier sur une traduction automatique inappropriée ?
Il y en a toujours qui portent à sourire… Des bars où l’on écoute du rock (« rock bars ») peuvent devenir des barres rocheuses ! Un grand classique c’est également quand « The default value is disabled » devient une valeur par défaut « handicapée ». Cela pimente le quotidien.
Y-a-t-il une erreur que font tous les débutants ?
Oui, il y a des erreurs assez récurrentes, car les post-éditeurs, quand ils commencent, ont parfois des difficultés à garder en tête la vision globale du projet. Il ne faut pas oublier que le texte traduit par la machine n’est qu’une « suggestion ». La machine traduit le mot « A » par « B » mais parfois au paragraphe suivant, dans un autre contexte, peut le traduire par « C ». Il faut donc rester vigilant et prendre du recul tout au long de la post-édition pour assurer la cohérence de la terminologie.
Quels conseils donnerais-tu à un traducteur souhaitant commencer la post-édition ?
D’en faire. D’en faire sans a priori et sans se décourager. D’en faire de manière intensive tout en respectant des contraintes de temps. A mon avis, pour être un post-éditeur confirmé, il faut bien un à deux ans. Et surtout, il faut persévérer.
Enfin, quels conseils donnerais-tu à un post-éditeur qui souhaiterait progresser ?
Je pense que le secret c’est d’identifier en une micro seconde (pas plus !) si la suggestion de la Machine Translation est digne d’être conservée ou pas. Si c’est bon, on garde (attention à ne pas faire trop de modifications préférentielles, ce n’est pas le but !). Si ce n’est pas bon, on repart directement de la chaîne source directement. Et puis évidemment, avoir un avis ou une correction de la part d’une personne extérieure est toujours bon : cela permet de cerner ses erreurs récurrentes et de ne pas les reproduire.