Dans un article fort intéressant paru il y a quelque temps déjà, la BBC nous informait que le ministère de la Culture avait demandé une étude en vue de modifier le clavier AZERTY. Pourquoi ce cri de haro contre cet outil, particularisme français dont nous sommes souvent fiers et qui existe depuis plus de 100 ans maintenant ? Les réponses semblent multiples, et je vais vous les détailler.
Le respect de la langue française
Le ministère de la Culture avance que les claviers AZERTY sont à bannir car ils nous encourageraient tout simplement à ne pas écrire le français correctement (les linguistes rigoureux approuveront-ils ?), et à considérer comme largement acceptables des subtilités pourtant considérées comme des fautes par l’Académie française tout autant que par l’Imprimerie Nationale.
A l’heure où le niveau général d’orthographe de la population française diminue à vue d’œil, chez l’artisan comme chez le traducteur diplômé, nous sommes donc curieux de comprendre en quoi le non-respect de l’orthographe serait dû simplement au mauvais usage du clavier. A priori, comme bouc émissaire, on ne ferait pas mieux (« si les Français n’écrivent pas bien leur langue, c’est à cause du clavier »)
Mais quelles sont ces fautes ?
Trêve de plaisanteries, il est vrai que certains traits de notre orthographe ne sont pas simples à respecter avec notre clavier actuel, même avec la meilleure volonté.
Premier exemple, qui parle à tout un chacun : les majuscules accentuées. Ah, ces majuscules accentuées, ces é, è, ê compliqués à conserver en majuscules, sauf pour les plus scrupuleux, qui cliquent sur Insertion, puis Symbole, avant de partir patiemment à la recherche du caractère convoité. Tout un symbole, justement. Evidemment, les professionnels de la langue tels que les membres de nos équipes de traducteurs et traductrices connaissent par cœur des codes numériques sans fin pour générer du bout des doigts ces fameuses majuscules accentuées. Gain de temps et utilisation du clavier, mais saisie de six caractères au lieu d’un seul… Le clavier espagnol a, lui, résolu ce problème et propose d’emblée des touches pour les majuscules accentuées. Pourquoi eux et pas nous alors…
Autres exemples : nous pourrions évoquer l’absence de touche pour les guillemets chevrons ou encore l’absence de « e dans l’o » et de « e dans l’a », qui sont pourtant corrects et que, bien heureusement, Word corrige automatiquement, permettant aux œufs et à l’œil de conserver leur identité première.
Mais le respect de l’orthographe, raison amplement suffisante pour certains de changer de clavier, n’est pas le seul problème de ce clavier AZERTY qui deviendra un jour, peut-être, collector.
Troubles musculo-squelettiques (TMS) et disparition du clavier Azerty
Il semble en effet que le clavier AZERTY ne soit pas des plus ergonomiques, malgré ses bonnes intentions par rapport au QWERTY. Pourquoi ? Les lettres les plus proches de la barre d’espace, pourtant les plus accessibles, sont des lettres plutôt rares (w, x, c, v), il faut appuyer sur deux touches simultanément pour mettre un simple point au bout d’une ligne, et les chiffres, hors pavé numérique, sont un pensum à saisir. Il semblerait également que la main gauche soit surutilisée par rapport à la main droite, ce que je pourrais sans conteste vous confirmer : je tape très vite mais suis souvent prise de douleurs dans les trois derniers doigts de la main gauche, la faute aux a, e et s situés à quelques millimètres d’écart et pourtant incontournables en français.
Au bout du compte, le clavier sous toutes ses formes ne serait-il pas voué à la disparition ? Générant des douleurs de dos, de doigts et de mains, les claviers, jamais assez pratiques et ergonomiques pour nos usages trop intensifs, ne sont-ils pas en train d’être supplantés par les commandes vocales ? SIRI et Dragon sont maintenant à la portée de tous, simple internaute, professionnel de bureau et surtout traducteurs. Le tactile, combiné à la voix, permettrait de nous libérer de nos tensions dorsales, et alors l’AZERTY, le QZERTY, le ZHJAY ou le BEPO ne seraient plus qu’en sursis.
Le clavier ferait-il de la résistance ?
Pas encore enterrés, les claviers ? En effet, les derniers chiffres montrent que les tablettes sont en perte de vitesse, et que le consommateur préfère maintenant investir dans des appareils hybrides composés à la fois d’écrans tactiles et d’un clavier amovible…
Le problème reste donc entier : changement d’AZERTY (avec tout le remue-ménage et la résistance active dont nous sommes capables quand un changement d’habitude nous est imposé) ou statu quo ? Le ministère décidera, un jour, de la frappe à suivre…